Durée de l’étape : deux jours et une nuit
Pour la halte :
Nous avons trouvé un spot de camping plutôt chouette de prime abord : le parking qui permet d’accéder directement à la roche du Champignon, à Huelgoat. C’est un parking en bord de forêt, à proximité d’un supermarché mais…. il dispose d’un aménagement à double tranchant : des poubelles. Tant qu’elles ne débordent pas elles sont bien pratiques. Une fois trop pleines et ouvertes, elles dégagent une odeur pestilentielle.
Pour la culture : Brasparts – Les landes et tourbières – Le Mont Saint-Michel – Huelgoat
Nous sommes repartis de Brest en direction de Brasparts. Nous sommes en quête d’un office de tourisme afin de trouver un chemin de randonnée pour découvrir les Monts d’Arrée.
Sur place, notre choix s’arrête sur la randonnée nommée « Les landes et tourbières » : un circuit de 14km aux paysages variés. Mais tout d’abord, on fait une visite rapide de l’église de Brasparts, richement décorée à l’intérieur mais surtout comprenant un catafalque noir à l’esthétique clairement macabre.
Nous rejoignons notre point de départ: en dehors du village, auprès de la ferme d’Anthéa : une boutique qui expose les œuvres d’artistes divers et fait également salon de thé. On se promet d’y faire une halte à la fin de la randonnée et d’y boire un thé. Cela sera notre objectif.
Et on prend le chemin. Ou plutôt le chemin nous prend: emportés, nous commençons donc en..ratant l’alignement de mégalithes nommé « La noce de pierre » qui se trouve un peu à l’écart du chemin, sur une autre piste. Tant pis, ces pierres millénaires nous attendrons encore un peu.
Le chemin, d’abord large, bifurque en bordure d’un sous-bois et se resserre. Encore une fourche, et il devient une sente à travers le paysage insolite des tourbières, à la végétation typique et aux longues passerelles de bois permettant de tout franchir sans s’enfoncer. A perte de vue, une végétation grasse, et des insectes qui volent en tout sens jusqu’au lac en contrebas où le sentier nous entraîne. Le vent fait danser les nuages, dégageant parfois le ciel et illuminant le paysage. Peu de monde sur ces sentiers, aucune habitation visible, on avance presque seuls dans cette mer d’herbes raides secouées par un souffle qui fait courir les ombres des nuages sur les monts alentours.
En remontant après avoir effleuré le lac, on arrive au petit village de Botmeur. Léger retour à la civilisation, mais à celle du siècle dernier. On y apprécie le calme, l’architecture typique, mais également les efforts de la municipalité de créer des panneaux qui expliquent les variations du bâti tout comme les spécificités du patrimoine : les moulins disparus, le mode d’habitat, la vie d’antant… On admire l’ardoise des toits et les pierres grises des murs. Les hortensias bleus luxuriants qui bordent les maisons et débordent parfois sur les routes.
Depuis Botmeur, le chemin s’est mué en route moins agréable sous le pied mais rapidement l’on finit par reprendre un petit chemin bordé d’ajonc et de chêne. C’est le début de la montée. Car pour embrasser les Monts d’Arrée, et rejoindre les domaines des korrigans, il faut bien fournir quelques efforts. On progresse donc sur un chemin blanc empierré, en crête sur une lande dépourvue d’arbres et habitée de bruyères et de roches affleurantes.
Les yeux se perdent à des kilomètres alentours, observant une successions de monts couronnées de pierres formant le panorama des Monts d’Arrées. La nature est magnifique, mais quelque chose de sauvage se ressent dans les rafales du vent qui se glisse entre les pierres. Le jour, cette lande est parcourue par les humains, promeneurs naïfs et admiratifs. Mais sans nul doute, le petit peuple sage et farceur dansera à la prochaine pleine lune entre les affleurements de roches blanches, au son d’un biniou ou d’une bombarde.
On profite d’une halte sur une roche plus élevée pour prendre le temps de détailler le chemin déjà parcouru, la tourbière, le lac, les Montagnes Noires au loin, les voitures qui serpentent en contrebas, le village de Botmeur déjà traversé…. Debout sur les roches, le vent nous fait planer. En se retournant au sud, on regarde la suite du voyage…
Qui nous mène au Mont Saint-Michel (pas de doute, celui-ci est en Bretagne), un Mont coiffé d’une petite église. Si nous continuons notre cheminement à pied, nous voyons arriver là un grand nombre de personnes qui profitent de la route qui monte jusque ici et qui finit par un parking permettant d’accéder au Mont sans difficulté.
Et de se dire que le chemin peut parfois compter autant que la destination… que la vue n’est pas la même quand les pieds l’ont gagné.
Cela grouille d’enfants, de curieux, de curiosités instagrammables. L’église bruisse de petits papiers de vœux, de souvenirs, de demandes, d’ex-voto… On y est bien au frais après l’ascension et on prend un petit peu le temps de se reposer avant de redescendre droit sur le flanc par le chemin des landes direction…
La noce de pierre ratée à l’aller. C’est un peu plus compliqué à trouver que ce que nous avait indiqué l’office du tourisme.
C’est un alignement de mégalithes de tailles diverses, presque disparues sous la végétation de la tourbe, et les fougères, où l’on a compté une trentaine de pierre orientées est-ouest. Et nous de disserter sur ce à quoi cela peut bien servir…. Boussole, calendrier, représentation céleste… La légende locale raconte qu’une noce joyeuse cheminant à travers la lande aurait croisé le chemin d’un prêtre sans le saluer ni même le regarder. La colère divine aurait alors changé ces impies en pierres… Ce qui est sûr, c’est que parmi la végétation, notre sens de l’observation nous a fait défaut: il y a là en fait environ 80 pierres alignées.
Comme promis, un thé à la ferme d’Anthéa où l’on regrettera encore de dormir dans la voiture et de risquer de casser les poteries que l’on aimerait acheter. Alors on se console en s’achetant des livres pour continuer de vivre un peu les légendes.
Puis l’on prend la direction d’Huelgoat. Quelques courses pour nos repas du lendemain, une crêpe en bord de lac et puis….
Les jours sont longs en Juillet. Pas assez fatigués de notre marche du jour, on décide d’aller à la nuit tombante à la découverte des curiosités de pierre du lieu.
Pas loin, oh, à quelques pas du restau, on se glisse entre un pont et une maison et … un monde étrange s’ouvre. L’entrée est juste à côté du lac, et l’eau coule avec un joli bruit. Nous sommes là sur les vestiges d’un combat de géants. Des morceaux de leurs corps gigantesques sont empilés là, au-dessus d’une horde de trolls endormis, aux épaules moussues, les pieds dans l’eau qui serpente, invisible sous nos pas. La démesure est absolue, et l’on se sent fourmi, à se glisser entre les blocs, à grimper sur les peaux de pierre de ces êtres fantastiques immobiles depuis que le temps des hommes est venu. Ça et là, des monticules comme des dos émergeant de la terre, des rochers merveilleux se soutiennent en un équilibre qui semble si précaire, et pourtant si ancien.
On s’enfonce dans le Trou du Diable, assourdissant et bouillonnant, on saute de roche en roche en enjambant les gouffres jusqu’au ménage de la Vierge, puis on remonte pour observer la Roche Tremblante qui ressemble à s’y méprendre à un antique cachalot, échoué là sur un socle plat à des lieux de l’océan. Peut-être jeté ici il y a longtemps par quelque géant dérangé pendant son souper.
En redescendant, on longe la Rivière d’Argent en admirant son cours. Loin du chaos qui la précède, les berges prennent un côté plus féérique. Le crépuscule est passé, la rosée tombe dans la forêt et l’eau ne jaillit plus en étincelles d’argent, mais coule lisse et calme comme un miroir changeant. Arrivé au Pont Rouge, on s’arrête un instant pour observer le silencieux ballet des êtres de l’eau, puis on s’en retourne, laissant aux arbres le secret de leurs nuits.
Le lendemain, poursuite de notre exploration : dans un premier temps nous crapahutons jusqu’au rocher Champignon, insolite, surplombant notre campement. On a dû rater le vrai chemin car on termine l’exploration à travers le bois sans sentier, en se laissant glisser.
Retour à la forêt, à la recherche du camp d’Arthus, avec un plan qui nous semble totalement incomplet, d’où de nombreuses hésitations. On arrive finalement sur les restes de cet oppidum bien plus vaste que ce que nous avions imaginé. Le temps fait des ravages et on peine parfois à imaginer que ce fût un camp militaire (bien antérieur cependant à la légende arthurienne). Il ne reste qu’une porte, roche éclatée restreignant l’accès, et des talus en guise de murailles, recouvertes depuis longtemps par la nature. On s’égare en cherchant une ancienne tour de guet, tombant plutôt sur le vieux puits du camp, interdit d’accès. À l’opposé de la porte se trouve une ancienne motte castrale, plus identifiable bien que pareillement rendue à la nature.
Puis on redescend vers la Rivière d’Argent pour croiser la Mare aux Sangliers (fraîche, et sableuse) et la grotte d’Arthus (non, personne ne peut vivre là, avec de telles ouvertures). La forêt se peuple en ce dimanche matin et nous sommes bien moins solitaires que la veille.
Partons ensuite à la recherche du gouffre d’Huelgoat et de la mare aux Fées…. Encore une facétie du plan, nous avons pas mal tourné avant de pouvoir retrouver ce havre de paix dans lequel on trempe les pieds en observant les libellules bleues voleter autour de nous, petites fées qui se cachent aux yeux des adultes que nous sommes.
Le gouffre est supposément celui dans lequel la princesse Dahut, de la ville d’Ys, faisait jeter ses amants à usage unique. Mais nous sommes bien trop loin de la côte pour qu’une solution plus pratique n’ait pas été trouvée.
Retour à pied à Huelgoat pour visiter l’exposition artisanale du moulin du Chaos, acheter du miel, visiter l’exposition artistique de l’école des filles et pour une petite pause cinéma à l’Arthus, le ciné local. La Culture après la Nature.
Il règne ici un on ne sait quoi de quiétude fort agréable et la vie y est douce. Encore une fois, on laisserait bien nos bagages plus longtemps sur place, pour vivre un peu là. Le temps doux, la proximité avec les monts d’Arrée, la forêt insolite et le coucher de soleil sur le lac… Rien que du plaisir.
Pour les papilles :
La crêperie du Pont Neuf, une vue magnifique et des prix peu élevés. Et avec une Coreff Breizh’île, blonde au rhum.
Nous avons testé la crêperie « Les Myrtilles », de bonne réputation mais pas si exceptionnelle que nous le pensions et la serveuse (tenancière ?) n’était pas très aimable avec ceux qui demandaient une place après nous. Nous ne sommes pas convaincus.
La miellerie d’Huelgoat propose de très bons miels et nous avons fait notre stock : miel de Bruyère, miel de Sarrasin, miel des Monts d’Arrée pour améliorer nos petits déj’ ainsi que du pollen.
Pour les oreilles :
On chante à tue-tête la complainte de Perceval durant nos promenades, même si c’est partiellement hors-sujet.
Ton ami c’est moi, B.O. de Toy Story par CharlElie Couture.
Gortoz a Ran, de Denez Prigent et Lisa Gerrard
Pour l’esprit :
Merveilles et Légendes des Dames de Brocéliande – acheté à la ferme d’Anthea
Les deux bossus, le bel album illustré des Légendes de Bretagne – acheté à la ferme d’Anthéa
Sorcières, la puissance invaincue des femmes – Mona Cholet